Sambhava au Népal

Bonjour Mona, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Mona, J’ai 28 ans, je viens d’Annecy et je partage ma vie entre Annecy, ma ville, Berlin ou je travaille, et Katmandu ou j’ai créé Sambhava. Je suis éducatrice spécialisée. En France j’ai travaillé principalement dans les domaines de la protection de l’enfance, et dans l’accueil et l’accompagnement des familles sans abris et des hommes isolés. J’aime beaucoup voyager et je suis allée apprendre dans différentes structures sociales au Brésil, en Thaïlande, avant de me faire secouer par le tremblement de terre au Népal en 2015 et de m’y engager pour la vie!

Comment est née l’association ?

L’association est née en 2015, après 5 mois d’aventures au Népal, mes amis et moi nous sommes faites surprendre par le tremblement de terre du 25 avril 2015. C’était d’une violence inimaginable, en 56 secondes, 9000 personnes tout autour de nous ont perdu la vie. Des milliers d’autres ont perdu leurs maisons, leurs jambes ou leurs bras. Et nous, on était vivantes, et on n’avait pas une égratignure. Et quand on a réalisé l’ampleur de la catastrophe, pour nos voisins, nos amis, et tous les villageois, on a décidé de ne pas monter dans l’avion de rapatriement pour les français. On a décidé de rester, pour faire tout ce qui nous était possible, pour faire notre part. Les évènements se sont enchainés très vite : on a fait un appel aux dons, les gens nous ont fait confiance, et on a commencé à amener des colis d’urgence de nourriture et d’hygiène pour les victimes dans les villages les plus touchés. On a aussi amené les blessés à l’hôpital. Tous les jours, il y avait des dizaines de nouvelles secousses, tous les jours il y avait de nouveaux dangers. Alors on a compris qu’on était plus uniquement dans l’urgence, qu’il fallait réfléchir à des solutions sur le long terme. J’avais 23 ans, j’avais fini ma formation d’éducatrice spécialisé, j’avais une volonté et un pouvoir d’agir immense, est aucune intention de rentrer en France et de reprendre une vie comme si rien ne s’était passé. On a décidé de se monter en association, et on l’a appelée Sambhava, ce qui veut dire «  possible » en Népalais, et on s’est lancées !

Quels types d’actions menez-vous sur place ou ailleurs ?

Au bout d’un moment les colis alimentaire d’urgence ne suffisaient plus, il fallait penser à comment les gens qui avaient tout perdu allaient se reconstruire. Le besoin financier était énorme, il fallait du travail, et pour ces femmes qui se retrouvaient livrées à elles-mêmes, il leur fallait des compétences pour gagner un salaire et reconstruire leur maison. Alors on a mis en place un programme de formation pour 13 femmes en couture, broderie et tissage. 9 mois plus tard elles étaient compétentes et embauchées.

Entre temps on est parties au Maroc pour se former à la construction de maisons antisismiques en forme de dôme en super adobe. Fortes de ces connaissances on est retournées au Népal, dans un village reculé très touché par le séisme, et on a monté une équipe de volontaire internationaux et de Népalais. On a organisé le projet un peu fou d’un chantier de construction d’un dôme antisismique en haut

d’une colline, et on a formé les villageois intéressés. La route pour y accéder était très dangereuse, et la colline ne se gravissait qu’à pied. Nous avons tout monté sur notre dos, la terre, le ciment, les graviers le sable, tout !

On s’est rendue compte en vivant dans les villages que beaucoup d’enfants n’étaient pas retournés à l’école depuis les séismes, que beaucoup de maisons étaient toujours en bâches de plastiques. Sur les ruines des maisons des pauvres, des promoteurs immobiliers avaient construit des villas de luxes, hors de prix, et les plus pauvres n’avaient pas eu le temps de s’organiser. On comprenait alors que la reconstruction serait longue, il fallait que ces enfants aient une éducation, qu’ils marchent sur les chemins de l’école pour un jour, se construire un avenir pour eux et leurs familles. On a commencé par scolariser ces enfants qui vivaient dans ces ruines. Aujourd’hui nous suivons la scolarité de 43 de ces enfants pour lesquels nous nous sommes engagés grâce à des parrains et marraines jusqu’à la fin de leur scolarité.

On voulait faire notre possible pour que l’éducation soit la plus adaptée possible à ses enfants qui avaient un retard scolaire énorme. Certains des enfants de Sambhava avaient déjà 10 ou 11 ans et ne savait pas écrire leurs prénoms. Alors on a mis en place à un programme d’amélioration de l’environnement éducatif de l’école. On a inscrit les instituteurs à une formation Népalaise de qualité et on a fait venir des professionnels français pour mettre des projets éducatifs en place pour les enfants et le corps enseignants.

En vivant dans le village, on a rencontré des enfants en situation d’urgence. Des enfants laissés à l’abandon, orphelins, malnutris, des enfants subissant de grandes violences au sein de leur foyer. Certains se sont accrochés à nous, dans l’espoir d’avoir une chance. Sambhava a alors pris un tournant vers la protection de l’enfance, et on s’est lancées dans la plus grande aventure de notre vie : on a mis en place la création d’une maison d’enfants, pour leur offrir une enfance, une maison, une famille, une éducation, de la nourriture et de l’amour.

Aujourd’hui dans notre petite maison du bonheur, il y a 12 enfants qui ont trouvé leur place. Ils ont conscience de leur chance, ils sont très soudés, et ont une créativité infinie. Nous nous sommes engagées avec eux au moins pour les 12 prochaines années.

Qu’est-ce que ton investissement associatif t’apporte ?

Ce tremblement de terre, et la décision de créer Sambhava ont complètement chamboulés ma vie. C’était comme si j’avais d’un coup trouvé ma mission de vie. Les enfants que nous avons mis à l’école, et les enfants que nous avons accueillis dans notre maison nous rappellent chaque jour les raisons de notre engagement. Par leur façon de saisir leurs chances, par leur courage et leur résilience, et par l’amour qu’ils nous rendent. Ces enfants font partie désormais de notre famille, c’est un amour incroyable qui nous lie à eux, et ça c’est vraiment ma chance, je ne saurais plus imaginer ma vie maintenant sans chacun de ces petits humains !

Quelles sont les difficultés ?

La gestion de crise sur place est parfois très chargée émotionnellement, on est amenées à rencontrer des enfants dans des situations catastrophiques. La charge mentale aussi, de la gestion et l’organisation de la maison d’enfants est immense. Gérer le personnel, la santé, la scolarité des enfants, le financement de leur vie et leur développement, être là pour leur peines, leurs joies, les questions qu’ils se posent sur leur histoire, c’est un travail permanent. Désormais pour moi impossible de passer une journée sans être connectée et prête à intervenir, et aucune journée sans se demander où on va trouver l’argent pour finir l’année.

Aussi il n’est plus possible pour nous de pouvoir signer un CDI, nous avons besoin d’être plusieurs mois par an au Népal. Il nous faut travailler suffisamment pour pouvoir financer ces mois non rémunérés, et de trouver des postes qui acceptent de nous laisser partir en congé sans solde régulièrement. Mais toute cette organisation a peu de poids finalement dès qu’on pense à la beauté de la réussite de ce projet ! A à chaque fois que l’on désespère ou que c’est trop on se rappelle «  sambhava », ça veut dire possible non ? Et on continue !

 

Quels sont tes projets personnels futurs ?

Je m’apprête à accueillir un petit bébé pour Novembre, un petit garçon qui partagera sa vie comme nous, entre la France et le Népal et qui est très attendu par ses très nombreux frères et sœurs de cœur ! J’ai aussi repris mes études pour devenir accompagnatrice à la naissance, et j’aimerais aussi pouvoir me créer une activité professionnelle qui puissent se faire en ligne pour travailler de partout, et pouvoir aller au Népal plusieurs mois par an, et prendre les routes du monde le reste du temps avec notre bébé, tout en gérant Sambhava, et en travaillant ! C’est ça l’idée !

As-tu un message à faire passer à nos lecteurs ?

Si je devais tirer les leçons de cette expérience pour les transmettre, je dirais que parfois ça vaut le coup d’être un peu inconsciente ou déraisonnable, de dire «  oui » et se lancer sans être sûre d’où ça nous mène. De faire son possible et de faire confiance en la vie, que tout viendra comme il le faut au moment où il le faut.

Comment vous soutenir ?

Sambhava a besoin de soutien, soutien financier bien sûr, de donateurs et de parrains et marraines pour les enfants. Nous cherchons aussi des personnes qui ont l’énergie d’organiser des récoltes de don et des évènements pour parler des enfants et de nos projets. Sambhava a aussi besoin de personnes qui viennent au Népal avec leurs compétences apporter leur pierre à notre projet. Des professionnels de l’éducation, ou des personnes qui souhaitent transmettre leur art ou leur passion par exemple, qui viennent plusieurs mois soutenir les équipes sur place.

http://sambhava.net

Sambhava.nepal@gmail.com

Propos recueillis par Elsa Thomasson

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