Accompagner des personnes souffrant d’addictions

Maxime a choisi il y a six ans de faire une reconversion dans le social. Depuis, il travaille dans une structure qui accueille des personnes souffrant de toutes sortes d’addictions.

Bonjour Maxime, peux-tu te présenter ?

J’ai trente-deux ans, je suis père de trois enfants et je vis  à Motte-en Bauges en Savoie.

J’ai obtenu un diplôme d’éducateur spécialisé en 2019 à l’IEIS d’Annecy en alternance, c’est ainsi que j’exerce depuis 2017 à l’association Thylac à Alex. Elle est composée de plusieurs services médico-sociaux et je suis dans la structure Thianty, qui accompagne des personnes souffrant d’addictions.

Peux-tu nous préciser ce qu’est une addiction ?

Pour la structure, la définition d’une addiction est celle de Goodman de 1990 : «  Un processus qui se caractérise par la répétition d’un comportement, qui a pour but soit d’apaiser une souffrance, soit de procurer du plaisir. Elle se caractérise par l’échec répété de contrôle ou d’arrêt en dépit des conséquences négatives. » Ces addictions peuvent être liées à la consommation de substances, légales ou non, mais aussi d’addictions comportementales (jeu d’argent, sexe…).

Comment se passe cet accompagnement ?

Nous accueillons neuf personnes à la fois pour un séjour de trois mois et demi. C’est une étape dans un parcours de soins, le but est de s’extraire de son contexte social et de s’accorder un temps de réflexion sur soi-même et son comportement. L’accompagnement se décline en plusieurs aspects, une remise en forme physique qui passe par des activités de randonnée et de badminton hebdomadaires. Des activités en rapport avec la vie quotidienne, la maison est entretenue par les résidents, incluant ménage et repas. Enfin, sur des ateliers de compréhension de leurs comportements addictifs au travers d’ateliers théoriques, de discussions individuelles ou de suivis psychologiques. Nous sommes une association d’intérêt publique, financée par l’ARS (Agence Régionale de Santé). L’addiction est une maladie et pour pouvoir être accueilli, la demande doit être faite par un médecin. C’est d’ailleurs lui qui propose cet accueil et la personne accueillie n’a rien à débourser. Le nombre de places est restreint et la liste d’attente est longue. C’est regrettable car ces problèmes nécessiteraient un accueil rapide, au moment où la personne est prête à se soigner.

Quel est ton rôle dans ce centre ?

En tant qu’éducateur, je suis présent en permanence à leur côté et je dois leur permettre de réaliser leur projet. Le soin aujourd’hui n’est plus forcément une recherche d’abstinence mais plutôt comment mieux vivre avec, voire arriver à une consommation maitrisée. Il est parfois très difficile d’envisager un arrêt de la consommation à vie. Par exemple pour un jeune, comment peut-il envisager ne plus jamais boire d’alcool dans  un monde qui en consomme autant en société ? On vise alors à une consommation moins dommageable, que ce soit sur l’aspect physique, mais aussi financier, psychique, familial, social… car l’addiction peut amener à tout perdre (travail, argent, famille, santé, santé mentale…).

Quels profils rencontrez-vous ?

Le public est composé d’adultes, d’une moyenne d’âge de trente-huit ans, hommes et femmes. Mais c’est plus difficile pour les femmes de cet âge car elles ont souvent des enfants et n’envisagent pas de se couper d’eux pendant aussi longtemps. Nous avons eu le cas d’une mère qui avait fait placer son enfant pendant cette durée. Ce placement était à sa demande, et partait d’une bonne démarche, mais les services de protection ont freiné « la récupération » de l’enfant.

Les profils hommes sont hétéroclites, aussi bien des personnes en marge n’ayant jamais travaillé, qu’un artisan qui a fait un burn-out et s’est réfugié dans l’alcool, ou un entrepreneur qui prend de la cocaïne pour tenir le rythme de travail. Ce sont souvent des personnes qui étaient socialement intégrées, et qui un jour suite à un accident de la vie, ont basculé. Nous accueillons des personnes de toute la France, car il est mieux d’être loin de chez soi pour vraiment couper avec son environnement.

Chaque individu du groupe démarre le séjour en même temps. On doit leur faire comprendre qu’ils ont tous leur place ici, peu importe l’addiction dont ils souffrent car le processus est le même.

Qu’est-ce qui te plait, qui t’enrichit dans ce travail ?

J’aime les temps du quotidien, les repas, le café, c’est ce qui m’intéresse. La vérité du quotidien, on est ensemble toute la journée et on ne peut pas garder de masque. J’apprécie aussi l’hétérogénéité du public accueilli aussi bien en termes de milieu social que de problématique.

Cependant, la grande amplitude horaire des permanences est une grosse contrainte ainsi que les salaires qui ne sont pas assez valorisants. Nous sommes six personnes de l’équipe éducative, ainsi qu’une infirmière, un chef de service, deux veilleurs de nuit et des intervenants ponctuels (une psychologue, une pharmacienne et un médecin). Vue de l’extérieur la charge de l’équipe éducative peut ne pas sembler si intense, mais c’est un vrai investissement que d’être présent et disponible à ce que traversent les résidents. Ils m’ont tous marqué, nous sommes des professionnels de la relation et le but est de créer un lien thérapeutique. On vit avec eux, on mange avec eux, ce lien est authentique et fort. Nous avons tous en souvenir les personnes que l’on a accompagnées.

Propos recueillis par Elsa Thomasson

 

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